Après quelques jours de farniente sur cette magnifique plage, je me décide quand même à bouger un peu histoire de voir s'il n'y a pas moyen de visiter quelques autres îles. S'il y a des logements bon marchés sur quelques-unes d'entre elles, le problème reste le transport, la plupart n'étant desservies que par les énormes catamarans qui alimentent les resorts en touristes, et qui sont donc assez chers. Mais il y a une île en particulier où une alternative existe, un des hôtels de routards sur place ayant ses propres petits bateaux: Mana Island.
Minuscule confetti sur la carte des Fidji (et particule subatomique sur la carte du monde), j'y débarque en compagnie de deux autres touristes après 45 minutes de navigation, sans trop savoir à quoi m'attendre, en ayant réservé juste deux nuits pour voir; je vais finalement y rester une douzaine de jours, un record dans cet endroit où la moyenne du séjour doit être de trois nuits. Vaguement en forme de demi-lune, Mana est si petite qu'on peut paraît-il en faire le tour à pied en deux heures, même si les rochers à l’extrémité de chaque crique doivent rendre l'entreprise peu aisée; et la traverser dans sa plus grande largeur doit prendre dans les dix minutes. Pas de routes, pas de véhicules, une succession de plages de sable clair bordées de cocotiers, deux resorts - un à chaque extrémité - et trois Backpackers, et le village, dont la plupart des habitants travaillent directement ou indirectement pour ces hôtels.
La moitié de l'île appartient d'ailleurs à l'un des plus grands et plus anciens resorts des Fidji, le Mana Island Resort, vendu à un groupe japonais. Avec des chambres débutant à moins de 200 dollars US la nuit, c'est le moins cher des deux. Vexés de voir un de leurs ex-employés (après y avoir travaillé près de trente ans avec sa femme) fonder le Ratu Kini Backpackers juste à côté pour offrir la possibilité de découvrir l'île aux moins fortunés, ils ont clôturé leur propriété, coupant l'île en deux, pour empêcher ces malpropres de routards de traîner sur leur magnifique pelouse. Peine perdue, la frontière est totalement perméable; par le portail toujours ouvert permettant aux employés de rentrer au village, et par la plage, où il suffit de passer l'entrée principale d'un air décidé pour que le gardien n'y voie que du feu. Car les touristes plus fortunés aiment aussi parfois sortir de leur enclos pour se frotter au monde réel et boire quelques bières à notre restaurant... Du coup le brassage est tel que plus personne ne sait qui crèche où, ce qui me permet de temps à autre de profiter de la "North Beach", leur plage privée de l'autre côté de l'île, de la piscine d'eau douce à débordement avec vue sur la mer, et de leur bar à cocktail aux prix assez raisonnable malgré tout.
A l'autre extrémité de Mana, le "top-end five star super-exclusive" resort Tadraï, ouvert il y a seulement quelques années, offre au-dessus de sa plage privée cinq villas à 1500 dollars US la nuit, majordome inclus. Il est possible d'y accéder depuis la plage totalement déserte d'à côté, en tout cas à marée basse, mais à l'heure où j'écris ces lignes, la perspective d'être fauché par un tir de mitrailleuse lourde m'a dissuadé de toute tentative. Toutefois, d'après une information glanée récemment, il semblerait qu'ils soient finalement moins féroces que leurs panneaux "interdiction de passer sous peine de poursuites" ne le laissent entendre...
Quoi qu'il en soit, à moins de 40 Dollars US la nuit repas inclus, je l'ai, ma plage de rêve aux eaux cristallines vert émeraude; et les qualités photogéniques des plages fidjiennes n'ont pas échappé non plus à certains réalisateurs puisque quelques grandes productions ont été tournée dans l'archipel, à commencer par "The Blue Lagoon"; la compagnie aérienne fondée pour les besoins du film existe d'ailleurs toujours, un de ses hydravions apportant régulièrement quelques touristes réfractaires à la plèbe des catamarans vers les resorts de l'île. Puis on a pu en voir quelques images dans le film de Science-Fiction "Contact"; mais le plus célèbre d'entre tous reste "Cast Away" avec Tom Hanks, ayant apporté une immédiate célébrité à la minuscule et inhabitée Monuriki Island, et ses magnifiques eaux bleu cobalt; d'ailleurs rien que pour la vue depuis le sommet, il vaut la peine de faire les 25 minutes de bateau qui la sépare de Mana, histoire d'admirer depuis un angle peu commun le chapelet d'îles qui se déroule à l'horizon.
Malheureusement, l'efficacité d'internet étant ici inversement proportionnelle à la beauté du site, vous n'en verrez rien... Pour l'instant. Il est en effet impossible de transmettre une seule photo avec une bande passante digne du Moyen-Age numérique. Je ferai ça dans quelques jours, une fois revenu à la civilisation... D'ici là, je retourne sur mon hamac...