Au prix d'un effort surhumain, j'ai enfin réussi à m'arracher de Koh-Lanta, direction le nord, tout au nord du nord du pays, même. Pour commencer, quelques heures de route en minibus plus deux ferrys pour quitter l'île et rejoindre Surat Thani, petite ville près du Golfe de Thaïlande dont le seul intérêt est d'avoir un terminal de bus dont les express à deux étages permettent de rejoindre Bangkok en une douzaine d'heures.
Je n'ai rien demandé, mais (pour un prix dérisoire il est vrai) on m'a fourgué un billet dans la classe "VIP", une douzaine de sièges inclinables qui ont entre autres la particularité d'être situés immédiatement derrière la cabine de pilotage, et donc le privilège d'être pulvérisés les premiers en cas de collision frontale, et vu la vitesse légèrement aberrante du missile roulant, les corps n'auront plus qu'à être faxés au familles. Pour corser le tout, le chauffeur est un grand nerveux prenant très à cœur la trajectoire de son projectile; gêné en pleine nuit par un semi-remorque à la conduite erratique, il s'arrête une première fois pour engueuler son conducteur, et lorsque celui-ci s'en va, le rattrape et roule à côté de lui pied au plancher pour continuer de l'insulter par la fenêtre... La réplique du camionneur n'ayant pas dû lui plaire, il finit par le dépasser pour lui faire une queue de poisson afin de l'obliger à s'arrêter - et donc tout ceci avec un autobus bondé, je vous le rappelle. Le chauffeur et son aide finissent par sortir du bus armés d'une barre de fer, et je vois tout ce joli monde gesticuler en théâtre d'ombre projeté sur la route par les phares du camion.
Une fois le sort du camionneur réglé, de quelque manière que ce soit, les deux conducteurs remontent dans le bus mais le chauffeur, loin d'être calmé, continue à hurler dans son habitacle pendant des kilomètres. Pierre m'avait prévenu: les thaïlandais sont des gens gentils et souriants...
Heureusement, une fois arrivé à Bangkok - car oui, nous y sommes tous arrivés sains et saufs - j'avais prévu pour varier un peu de changer de moyen de transport. Comme d'habitude, dès la sortie du bus, une nuée de chauffeurs de taxis sauvages me repèrent et se jettent sur la proie facile du touriste désorienté et fatigué; mais je me doute bien que comme la plupart du temps, les taxis officiels dotés de taximètres m'attendent à la sortie du terminal. Direction la gare centrale, et j'achète un billet pour Chiang Mai. Je m'attendais vaguement à affronter une fourmilière en folie, et c'est calme, propre, et tout est clairement indiqué; en cas de besoin, une hôtesse derrière un bureau posé à même le quai est là pour dissiper vos derniers doutes: un vrai plaisir.
Moins plaisant est par contre l'état du réseau ferré, et je comprends pourquoi on se traîne à la moitié de la vitesse d'un bus: ça secoue à peu près quatre fois plus fort, et la pauvre employée poussant son minibar à bien du mal à empêcher que ses bouteilles ne valsent à travers le wagon, sans parler de nous verser une boisson... Une fois le gobelet en main, impensable de le poser, il faut contrebalancer les cahots de la voie si l'on ne veut pas repeindre les alentours.
Heureusement, durant les douze heures du voyage, les accalmies sont de plus en plus nombreuses. Le paysage est uniformément plat pendant la majeure partie du trajet, parmi les champs et les rizières, puis commence à se vallonner et la voie se retrouve à serpenter dans une véritable jungle éclairée par le soleil couchant transformé en géante rouge; les voies étant en cours de remplacement, le train roule maintenant sur du velours. La végétation reste par contre d'une désolante sécheresse, car dans certaines régions voilà bientôt six mois qu'il n'est pas tombé une goutte de pluie, et le décor ne semble attendre qu'une étincelle pour se transformer en torche, alors que nous sommes clairement dans une zone tropicale humide...
Finalement, après 32 heures de voyage depuis Koh-Lanta, entrecoupé de quelques heures de mauvais sommeil, j'arrive à Chiang Mai vers 21 heures et m'écroule dans une chambre d'hôtel étouffante située dans la vieille ville. Je sais qu'il y a de meilleurs rapport qualité-prix, mais je changerai demain, après avoir récupéré un peu...
Magnifique ce voyage !
RépondreSupprimerOn attend les photos de cette région qui doit être intéressante...