jeudi 30 janvier 2014

Fidji Time

Encore une fois, la traversée à été calme, sans la moindre houle, ce qui m'a permis de dormir quelques heures sur ma portion de moquette. Vers neuf heures, le ferry fait escale à Vanua Levu, la deuxième plus grande île de l'archipel, puis repart pour arriver vers 13 heures à Taveuni. Un minibus nous attend pour nous transférer à notre hôtel, à une trentaine de minutes du port; les chambres individuelles et les dortoirs sont répartis dans une poignée de cabanons noyés dans la végétation d'un grand parc. Face à la réception, une série de tables sous un grand toit pour les repas, et en face une petite piscine. Très beau... Mais pas de plage. Pour ça, il faut marcher 5 minutes, descendre une volée de marches à travers le parc, traverser la route, pour descendre sur une plage privée appartenant à Dieu sait qui, mais qui nous en laisse l'usage.

Une fois de plus, l'orage approche.
 
Pas vraiment une plage de catalogue Kuoni, d'ailleurs; coincée entre des rochers et une autre plage privée, elle est minuscule, l'eau est loin d'être cristalline et à quelques dizaines de mètres au large, une série d'embarcations ancrées là gâche le paysage. Il va falloir que je cherche ailleurs pour réaliser mon fantasme de sable blanc, et déjà je me sens partir dans un remake du roman "The Beach" d'Alex Garland, où l'obsession du héros pour trouver la plage parfaite et à l'écart du tourisme de masse va le conduire au bord de la folie...

 D'accord, il y a pire, mais...

 En attendant, le problème majeur reste la météo. C'est la saison des pluies aux Fidji - pas de surprise de ce côté là, cela se traduit souvent par de simples averses en fin d'après-midi. Mais là la pluie s'incruste, passant du crachin à la douche torrentielle, accompagnée de rafales de vent qui transforment le paysage en tunnel de lavage. J'en profite pour rattraper mes heures de sommeil sur un matelas à la mollesse inversement proportionnelle à la moquette du ferry, je le creuse comme un trou noir déforme l'espace au point de le refermer sur lui-même, je disparaîs dans l'espace-temps du "Fidji Time" comme l'appellent les autochtones, ce qui consiste à oublier toute notion d'horlogerie, même pour un Suisse biberonné à la Swatch.
Avec d'autres routards, je pars pour une petite promenade vers le seul magasin du bled - dix petites minutes de marche qui s'avèrent être 40 minutes aller-retour sous le seul soleil de plomb de la journée, de quoi revenir aussi trempé que s'il avait plu; le lendemain je participe à une excursion pour voir des chutes d'eau dans le Bouma National Heritage Park (non, non, on ne va pas marcher beaucoup) et comme toute l'équipe je me retrouve en train de crapahuter en tongs à flanc de colline dans la forêt tropicale, pour finir par être lessivé par un orage qui déferle sur nous comme une avalanche. Effectivement, le Fidji Time sévit non seulement dans le temps, mais aussi dans l'espace.

 Tavoro waterfalls, une heure avant le déluge.

Cette fois nous ne verrons même pas le soleil de la journée, visant entre deux averses pour quitter ou rejoindre nos cabanons, tout en faisant attention, la nuit, de ne pas écraser les dizaines de crapauds totalement immobiles dans le gazon coupé court, comme des jouets en plastiques répartis au hasard dans le jardin.

Tout ce que j'attends, c'est le retour du beau temps pour trouver ma plage... 


mercredi 29 janvier 2014

Bula! Bula! Bula!

Non, bula n'est pas un cri de guerre, même si les plus cinéphiles d'entre vous auront peut-être remarqué que le titre parodie allègrement celui d'un film de guerre des années 70 (Tora!Tora!Tora!); c'est en fidjien le mot voulant dire à la fois bonjour et bienvenue, et que l'on entend 500 fois par jour minimum dès l'arrivée à l'aéroport, les fidjiens étant un peuple souriant et accueillant. D'un autre côté, quand on est un indigène insulaire découvert par une armada blanche maîtrisant la poudre à canon, il vaut mieux être très accueillant si on ne veut pas être massacré tout de suite, mais ceci est un autre débat.
Bref, après quatre heures et demie de vol depuis Sydney, j'arrive à l'aéroport international de Nadi, sur Viti Levu, la plus grande île de l'archipel (qui en compte quand même 332, dont 110 totalement inhabitées, et quelques-unes totalement privées). Je suis probablement le seul touriste à avoir jamais débarqué ici sans anti-moustique et sans linge de plage, mais je me suis décidé un peu vite et puis j'ai une réputation à tenir, comme arriver dans un endroit incongru au plus mauvais moment possible; par exemple un samedi soir, sachant que je ne pourrai rien organiser d'ici à lundi, tout étant fermé le dimanche.
Rester en ville étant donc inutile, je demande à un taxi de me déposer près d'une série d'hôtels bon marché en bordure de plage - qui n'est pas extraordinaire ici mais elle a le mérite d'exister. Je prends un lit en dortoir dans le premier établissement venu (trois fois moins cher qu'à Sydney) et après avoir traîné quelques heures au bord de l'océan, histoire de manger un sandwich et boire quelques bières aux prix ridicules, je retourne m'écrouler sur ma paillasse.
Avec le vacarme des trois ventilateurs qui tranchent du moustique en se balançant au plafond, et l'alternance moiteur/tempête quand le flux d'air arrive sur moi, je mets des heures à trouver le sommeil; et une fois enfin endormi, un sixième sens me réveille au moment précis où un cafard monumental remonte le matelas dans ma direction. Le bond instinctif qui me propulse hors du lit l'envoie valdinguer Dieu sait où, mais avec l'adrénaline à fond, je peux dire adieu à ma nuit de sommeil. 

Premier coucher de soleil sur les îles Fidji

Le lendemain je change donc d'hôtel, car même si je suis habitué à partager ma chambre avec toutes sortes de cafards, j'apprécie assez peu qu'ils aient le toupet de dormir avec moi, surtout s'ils approchent le demi-kilo. Le dortoir est clair et propre, et je vois tout de suite que je n'aurai pas la même mésaventure ici; de plus le petit bar-restaurant donne directement sur la plage... Cependant j'aspire à plus de tranquillité et de meilleurs paysages; j'achète donc un billet de ferry pour le lendemain et une nuit d'hôtel quasiment à l'autre bout de l'archipel, sur l'île de Taveuni, qui de par son éloignement est paraît-il un peu moins touchée par le tourisme de masse.
Le ferry part de Suva, la plus grande ville du Pacifique Sud avec ses 170'000 habitants; un minibus d'une douzaine de jeunes routards nous fait traverser l’île de Nadi à Suva en quasiment quatre heures. Autant dire tout de suite que ce ferry n'a rien à voir avec ses homologues australiens. Ce tas de ferraille flottant est bien loin de ses jours de gloire, lorsqu'il appartenait au Canada. Récemment, Patrice m'a dit (sachant que mes standards de qualité sont assez bas lorsque je voyage): "Si toi tu trouves que ces toillettes ne sont pas propres, alors ça doit vraiment valoir le détour". Et bien là, précisément, elles valent carrément les 75 Dollars Fidjiens du billet...

Le port de Suva

Le voyage dure plus de 28 heures, et ce billet dans la classe la plus basse ne donne droit ni à une cabine ni à un siège inclinable, mais un simple siège à dossier droit; pour dormir, on s'allonge à même la moquette défraîchie. Heureusement, j'ai eu le temps d'acheter un linge de plage à Suva pour faire oreiller, et j'ai encore pas mal de pilules anti-mal de mer...

dimanche 26 janvier 2014

Last stop: Sydney

Sydney! Pour la majorité, la seule ville incontournable d'Australie; Patrice et Géraldine n'ont cessé de m'en vanter les mérites, et voilà, nous y sommes. Et autant aller directement au cœur du sujet, directement au centre, à Chinatown, à un jet de pierre des quais de Darling Harbour. C'est aussi le quartier des affaires, à la vie trépidante au pied des tours de verre, mais là aussi sans le stress et l'énervement permanent que j'ai connu lors de mes années de travaux forcés dans les goulags de Kalvingrad.

Sans plus attendre nous allons nous balader à Darling Harbour, une des innombrables baies qui jalonnent la ville, et une des plus courues avec celle où trône le célèbre l'Opéra de Sydney. La vue sur les hauts buildings est magnifique, et même l'entrelacement aérien de ponts déversant un flot continu de véhicules au-dessus de nos têtes rajoute à l'étrange magie de ce paysage artificiel où plus rien ne subsiste de ses éléments originels. D'ailleurs mis à part quelques perles, comme la cathédrale St Mary (commencée en 1868 mais achevée seulement un siècle plus tard), ou le magnifique Queen Victoria  Building, peu de vieux bâtiments ont résisté à cette frénésie de modernité. Malheureusement le temps (une fois de  plus) est maussade, voire pluvieux, et je renonce donc à faire des photos dans cette lumière grisâtre. Ce sera pour une prochaine fois!

L'intérieur du Queen Victoria Building, maintenant un centre commercial de luxe.

Pour avoir un aperçu du vieux Sydney, il faut aller aux Rocks, quasiment sous le magnifique Sydney Harbour Bridge, pont monumental reliant la City aux quartiers nord; là se trouve un quartier relativement bien conservé qui peut donner une idée de ce que fut la ville des colons. Et pour en savoir un peu plus sur les conditions du voyage vers ce nouveau monde (voyage d'abord forcé, puisque Sydney fut fondée elle aussi pour servir de colonie pénitentiaire) rien de tel qu'un tour au musée maritime, dont la pièce maîtresse est la fidèle réplique de l'Endeavour de James Cook, premier navire à avoir accosté en Australie - d'ailleurs non loin de l'emplacement de l'actuelle Sydney

 Le mess de l'équipage sur l'Endeavour

Difficile de croire que cette coquille de noix mouillant langoureusement dans cette baie ultra-moderne a pu résister à des années de voyages (la voie la plus directe entre l'Angleterre et l'Australie prenait à l'époque environ six mois) avec 94 personnes à bord; même avec ses 30 mètres de long, l'ambiance devait être à la fête lorsque la mer était démontée... 
    
Donc Sydney, dont je ne fait qu'égratigner les merveilles durant ces quelques jours, s'avère bel et bien fascinante, mais sonne aussi le glas de la .JPG Team (Jeff, Géraldine et Patrice, jeu de mots Geek). En effet c'est là que nos routes se séparent; leurs vacances touchant à leur fin, ils rentrent sur Scotts Head alors que je vais continuer ma route en solo. J'ai déjà trouvé un lit dans un dortoir parmi la foultitude d'hôtels de Backpackers parsemant les rues entre Chinatown et Central Station, dont la cuisine partagée s'anime le soir venu d'une faune entomologique qui ne donne pas envie d'y prendre son petit déjeuner, même inclus. 

Nous nous retrouvons une dernière fois pour une soirée déjantée en compagnie d'Hannah, une australienne ayant enseigné le français à Macksville (et que j'avais déjà rencontrée au début de mon séjour), et qui est revenue officier ici; elle nous entraîne chez deux joyeux drilles, un expat français et un australien d'origine Sri-lankaise qui possède un restaurant où nous finissons par échouer pour goûter mille plats savoureux accompagnés d'un nombre indécent de bouteilles de vin. Une apothéose de rires et de saveurs couronnant ce voyage dont la mécanique incertaine n'a pas réussi à gâcher de fabuleuses découvertes. Merci les amis, bonne chance pour la suite (n'est-ce pas, Géraldine...) et à bientôt pour fêter le commencement d'une autre aventure (n'est-ce  pas, Pato...).

St Mary dans un violent contraste architectural...

En ce qui me concerne, et comme de bien entendu, je suis arrivé peut-être au bon endroit, mais comme d'hab' au mauvais moment. Ce week-end Sydney fête l'arrivée de la première flotte britannique à Sydney Cove, et tous les hôtels bon marché sont réservés depuis longtemps; donc on me jette dehors samedi après une courte mais scandaleuse augmentation du prix des dortoir. Sans parler de mon budget atomisé par le coût de la  vie par ici... Si je ne veux pas rentrer d'ici un mois,  je dois me mettre à l'ombre un moment, et après avoir retourné toutes les possibilités pendant quelques heures je choisis de quitter momentanément l'Australie afin de me planquer dans un endroit cool et intéressant pendant quelques semaines. Les endroits exotiques, où l'on a très peu de chance d'atterrir depuis l'Europe (ou alors après un voyage d'une longueur et d'un coût affolants) ne manquent pas depuis ici. Je choisis donc... Les îles Fidji! Mon prochain billet sera moite et bouffé par les moustiques, avec du sable entre les doigts de pied et de la bière chaude. Miam! 

samedi 25 janvier 2014

Hot like Hell

A la surprise générale, le retour en ferry vers Melbourne s'est effectué sur une mer d'huile totalement exempte de la moindre vaguelette; j'ignorais que la haute mer pouvait parfois se muer en piscine, et c'est donc en bien meilleure forme qu'à l'aller que nous débarquons sur le continent. Un ami d'une amie de longue date de Patrice s'est aimablement proposé de nous héberger chez lui, et nous faisons donc la connaissance de sa famille le temps d'un repas bien arrosé. Nous restons quelques jours sur place pour nous balader dans la ville que nous avions à peine effleurée à notre arrivée, par exemple pour visiter Rippon Lea. Cette magnifique demeure victorienne, occupée dès 1868, est une rareté restée pratiquement inchangée depuis 1930, et seuls les arbres ayant poussé dans l'énorme propriété ont modifié le dessin original du jardin; un véritable voyage dans le temps.

La table est toujours prête à Rippon Lea...

Bref ce serait un très agréable séjour si la température ne dépassait pas les 43 degrés (48 dans le van), un record inégalé depuis 1908... J'ai l'impression permanente d'être dans un four à pizza, et j'ai du mal à imaginer comment les joueurs de tennis qui viennent de commencer l'Australian Open peuvent encore tenir debout; mais le plus affecté de tous reste le bus, car s'il n'a eu aucun problème pendant toute la durée de notre séjour en Tasmanie, voilà qu'il tombe en panne trois fois par jour - et inutile de préciser que ce n'est jamais à l'ombre, le soir, devant un pub... Dans ces conditions climatiques déjà extrêmes, enlever le cache du moteur en s'exposant à sa chaleur pour taper comme un sourd sur cette maudite pièce (ce qui marche parfois... Mais pas toujours) nous donne l'impression d'être le plat principal d'un barbecue comme les australiens les aiment tant.

Un vieux pont en bois perdu dans une forêt

Lorsque nous décidons de partir pour Canberra, en passant par les Blue Mountains (un des rares endroits du pays où il est possible de skier en hiver), il fait toujours aussi chaud malgré les orages annoncés, et d'après les journaux des incendies commencent à se déclarer dans la région. Alors que nous laissons cette fournaise derrière nous, le bus décide de marquer le coup en tombant une dernière fois en panne dans la plus haute et la plus solitaire station d'essence du pays, uniquement peuplée de mouches géantes très heureuses d'avoir enfin de la visite. Le plein étant fait, nous résistons à la tentation de brûler le van sur place, mais son propre instinct de survie le fait finalement redémarrer. 

Nous arrivons à Canberra sans plus de problèmes mécaniques. Il fait déjà nuit lorsque nous nous arrêtons devant un long portail pour faire le point; un garde en uniforme passe et nous salue. Quelques instant plus tard, un policier arrive pour nous demander si nous avons besoin de quelque chose. Il nous renseigne aimablement, et à la fin de la conversation Patrice désigne la grande propriété devant laquelle nous nous sommes arrêtés pour lui demander ce qu'il y a là: 
 - Ça? C'est la maison du Premier Ministre!
Et voilà, impossible de se rapprocher plus du centre du pouvoir... Et dire que dans certains pays le président est protégé par des tanks; ici, juste deux flics même pas nerveux...

Le vieux Parlement de Canberra

La capitale, dont la construction a commencé en 1913, est une ville tranquille dont le centre est occupé par un grand lac aussi artificiel que peut le paraître son architecture planifiée. Larges avenues noyées dans la verdure, immeubles modernes, c'est un très beau délire d'architecte où même la nature a été remodelée, mais tout cela me semble manquer du grain de folie qui pourrait lui donner un peu d'âme. Nous tournons un peu dans ce décor, visitons le nouveau parlement (pas forcément indispensable à vrai dire) et décidons après deux jours d'aller directement vers Sydney, qui est autrement plus intéressante et animée.


dimanche 19 janvier 2014

Return to Devonport

Pour notre avant-dernière journée en Tasmanie, et juste avant de retourner à Devonport pour reprendre le ferry et ses montagnes russes tant appréciées par notre fine équipe, nous avons encore une dernière halte d'importance à effectuer dans le parc national Freycinet; celui-ci est réputé pour son magnifique bord de mer aux eaux cristallines et aux plages de sable blanc. Le clou du spectacle est la Wineglass Bay, dont la photo s'affiche sur tout les dépliants touristiques du pays, mais pour aller y tremper les pieds - pour le reste cela dépend de la température de l'eau - il faudrait avoir un démarrage matinal autrement plus foudroyant que le nôtre, car il s'agit d'effectuer trois heures de marche aller et retour rien que pour y arriver; et nous avons prévu d'être ce soir à Launceston...

Quelque part, un petit port...

Nous optons donc pour le plan B, qui consiste à aller jusqu'au point de vue permettant d'admirer la plage, une heure et demie aller-retour quand même, dont 500 marches, car il faut passer la barrière des Hazards Mountains. Le point culminant de cette formidable cordillère étant à 620 mètres d'altitude, ce n'est pas l'oxygène qui manque (peut-être un peu d'entraînement par contre...); Patrice et moi pulvérisons donc le temps annoncé pendant que Géraldine se repose dans le van. Mais la vue à couper le souffle vaut effectivement ce petit effort.

Wineglass Bay.

Une fois de retour au van, et pour conclure symboliquement notre tour de Tasmanie, nous décidons d'aller nous rafraîchir sur l'une de ces magnifique plages. La petite crique que nous choisissons n'est pas déserte, mais peu de personnes s'aventurent dans l'eau, qui est un peu fraîche mais pas insupportable; en tout cas pour moi, en nage après l'ascension (il fait plus de trente degrés), c'est une bénédiction, et puis dans une conversation mondaine où l'on vous regarde déjà comme un animal sauvage, ça doit faire son petit effet de dire que l'on s'est baigné dans la Tasman Sea...

Nous arrivons à Launceston de nuit. Pas de trace des 72'000 habitants qui peuplent la deuxième ville de Tasmanie; à 22 heures, en ce lundi 13 janvier, les rues sont totalement désertes, les commerces, bars et restaurants fermés, pas un seul véhicule ne se déplace. Impeccablement entretenu - comme dans toutes les autres villes d'Australie - le centre ville ressemble à un décor de cinéma après la dernière prise de vue; je m'attends presque à ce que l'éclairagiste coupe l'alimentation principale pour éteindre les lumières; le silence est seulement brisé par les jeux d'eau des fontaines publiques. Le film est terminé, nous retournons sur le continent. Extérieur: Nuit. Fondu au noir...

Devonport et la Tasmanie s'éloignent au crépuscule.


Hobart

La plus grande ville de Tasmanie (200'000 habitants) s'avère être une excellente surprise. S'étendant sur les deux rives de l'embouchure du fleuve Derwent (qui prend sa source au lac St Clair), Hobart ne ressemble en rien aux autres villes australiennes que j'ai traversées, avec leurs larges rues se coupant à angle droit sans surprise, un dessin en damier peu inspiré certainement dû à leur planification relativement récente, car il ne faut pas oublier que quasiment rien ici n'a plus de deux cent ans.

Lake St Clair, source du fleuve Derwent.

Ici au contraire, la ville semble s'être développée de manière totalement anarchique au fil du temps, à l'image des villes européennes, envahissant les collines alentour, créant des montées et des descentes spectaculaires, multipliant les points de vue, serpentant le long du fleuve; les vieux quartiers mélangent allègrement d'anciennes maisons victoriennes avec de nouvelles villas à la vue spectaculaire sur le paysage environnant, les ports, les petites plages; et c'est un véritable plaisir de se perdre dans ce labyrinthe. Ajoutez à cela une température enfin clémente (30 degrés, un record depuis Broken Hill) et une ambiance dénuée de stress, et l'on se verrait bien rester quelque temps dans le coin pour goûter plus longtemps à cette douceur...

Et justement, alors que Patrice et  Géraldine font une excursion sur Bruny Island, une grande île plus au sud, je décide de m'offrir une journée tranquille afin de flâner dans la ville. Je tombe d'ailleurs par hasard sur le quartier natal d'Errol Flynn, et sa petite plage tranquille mais malheureusement pas des plus propres, ce qui est assez étonnant vu le niveau de "suissitude" de la Tasmanie, voire de l'Australie en général. 

Le quartier natal d'Errol Flynn

Après deux jours de relaxation à Hobart, nous reprenons la route pour nous diriger vers Port Arthur, à 60 km. de la ville; un lieu quasiment incontournable chargé d'Histoire... Et d'histoires. C'est en effet la plus célèbre des anciennes colonies pénitentiaires du pays, qui de 1833 à 1877 accueillit près de 12500 forçats employés la plupart du temps comme main-d’œuvre pour développer la ville.

Port Arthur, avec au centre la prison.

Les bâtiments, en ruines pour la plupart, sont maintenant un musée à ciel ouvert permettant de se faire une idée des conditions de vie de l'époque.

Les ruines de l'église.

Après cette visite, nous reprenons le chemin inverse pour nous arrêter au Tasmanian Devil Conservation Park, un centre créé pour la conservation du Diable de Tasmanie (mais qui abrite d'autres animaux aussi), le plus gros marsupial carnivore encore vivant après l'extinction du Tigre de Tasmanie. C'est une occasion unique de s'approcher de cet animal si particulier qui est quasi impossible à observer en liberté (même si nous en avions aperçu trois, une nuit, aux jumelles...).

Les mignons petits Diables...

Plus que deux jours en Tasmanie et nous devrons déjà quitter cette terre splendide où même notre van a oublié de tomber en panne. Je crois qu'on serait tous bien restés un peu plus...


mercredi 15 janvier 2014

Tasmania!

Nous débarquons à Devonport, Tasmanie, vers six heures du matin. La plus alerte reste l'increvable Géraldine, qui non seulement n'a pas pris de médicament (déconseillé aux femmes enceintes), n'a pas été malade, mais qui en plus à réussi à dormir; suivi de votre serviteur, pas malade non plus mais complètement dans le cirage après une heure de sommeil environ; et sur la dernière marche du podium, très loin dans le classement, Patrice, totalement hors service avec un teint verdâtre tirant sur blanc d'outre-tombe, juste assez alerte pour s'écrouler à l'arrière du bus pour terminer sa longue agonie.

Premières lumières de Tasmanie

Malgré notre état peu reluisant, la  beauté de cette île nous saute immédiatement aux yeux. Le temps est maussade, mais lorsque la lumière du soleil perce les nuages et joue avec le relief l'ambiance rappelle la Patagonie; sur la côte entre Davonport et  Stanley, que nous arpentons le premier jour, l'eau est si cristalline et le sable si blanc que l'on se croirait dans les Caraïbes; et si l'on s'éloigne de la  côte, on se retrouve dans un patchwork de champs multicolores, dont d'immenses cultures de pavots en fleur, utilisés dans la fabrication de la morphine. De belles maisons aux jardins extrêmement bien entretenus et à la pelouse impeccable donnent à l'ensemble une impression de Suisse moderne fantasmée reproduite en studio de cinéma.

Le lendemain nous allons au parc national Craddle Mountain, un des nombreux parcs que compte la Tasmanie dont presque un quart du territoire est une zone protégée; l'endroit, fort connu, est envahi par des touristes de toutes nationalités. Nous faisons une petite marche de deux heures pour boucler le tour du lac Dove, puis finissons par échouer à Strahan où nous passons la nuit.  

 Dove Lake

Situé sur la côte ouest, Strahan s'avère être un sympathique petit village, point de départ d'excursions en bateau ou même en hydravion sur la Gordon River. Le vent, omniprésent sur la côte nord, est ici totalement absent et donc la température plus clémente, c'est à dire dans les quinze degrés... Une fois de plus le paysage est spectaculaire, et nous passons un bon moment à nous régaler de la vue avant de poursuivre notre chemin vers Queenstown.

La vue depuis Strahan

Petite halte dans cette ville minière, le temps de prendre un verre au monumental Empire Hotel, et de faire un tour dans la petite gare d'un minuscule train à vapeur reliant Strahan à Queenstown, principale attraction touristique de la ville; puis nous reprenons la  route, qui traverse le côté sud du Cradle Mountain National Park, ce qui nous donne enfin l'occasion de voir le lac St Clair.

Le vieil hôtel de Queenstown

Impossible d'ignorer ce lac, dont l'image est exploitée sur toutes les brochures et les guides du pays, mais le plafond d'épais nuages ne rend pas honneur au panorama.
Nous continuons en  direction d'Hobart dans un paysage vallonné parcouru de rivières, pour finir par échouer à Hamilton, minuscule hameau qui ne figure dans aucun guide, et qui a le mérite de se trouver sur  notre chemin; Hobart attendra  demain...

vendredi 10 janvier 2014

Open Sea

Au matin du 3 janvier, nous reprenons la route depuis Apollo Bay vers Melbourne. Une fois n'est pas coutume il fait beau - et donc un peu plus chaud -, et la vue sur le bord de mer est fantastique. Nous nous arrêtons sur le trajet avant Lorne pour une petite marche à travers une luxuriante végétation jusqu'au Sheoak Falls, une magnifique petite cascade se jetant dans un petit plan d'eau dissimulé par un rideau d'arbres; un petit jardin d’Éden dont nul ne soupçonnerait l'existence si un panneau ne le signalait pas  au bord de la route. 

Sheoak Falls

Nous passons les deux jours suivants à Melbourne en mode récupération et réorganisation depuis un magnifique appart-hôtel (après l'effort, le  réconfort), afin de visiter un peu la ville et de nous préparer pour la suite. Melbourne, grande ville de cinq millions et demi d'habitants, est non seulement bien plus grande qu’Adélaïde mais semble aussi plus dynamique, avec son centre tout en hauts buildings, et ses quartiers chinois et italiens; mais dans notre fuite en avant nous n'avons pas trop le temps d'approfondir car la prochaine étape doit nous amener jusqu'en Tasmanie, à la fois île et province la plus australe de l'Australie.

Le centre de Melbourne depuis l'océan
 
Le dimanche 5 janvier, nous nous rendons au port pour embarquer à bord du ferry avec notre bus. Le temps, qui était bien ensoleillé le matin, se couvre de plus en plus, et vers 16 heures, c'est une véritable tempête qui éclate sur les quais avec une température en chute libre; le vent souffle si fort que la pluie tombe à l'horizontale. Juste le jour où nous devons prendre la mer... Heureusement la météo revient à la normale au moment de l'embarquement, et vers 21 heures le ferry s'élance vers la Tasmanie.

Même pas (encore) malade!
 
Si la mer est bien calme au début du voyage, le ton change radicalement après deux ou trois heures. Tangage, roulis, creux et bosses, c'est un festival de figures libres qui nous font tituber le long des coursives comme des fêtards au bord du coma éthylique - alors que nous avons été justement particulièrement raisonnables en prévision de la traversée. Ma propre expérience de ces passages en haute mer m'a fait insister auprès de mes camarades pour acheter des médicaments anti-mal de mer, sous l’œil mi-amusé mi-sarcastique de Patrice, ayant plus de traversées à son actif et jamais malade à bord. Autant dire que je ne l'ai pas regretté, même s'il ne m'a quasiment pas été possible de fermer l’œil de la nuit à cause du ballottage incessant de la cabine. Du haut de ma couchette supérieure, je vois par le hublot les vagues qui malmènent le navire, tandis qu'au-dessous Patrice, malade comme un chien, devient de plus en plus vert malgré une double dose de médicaments...

samedi 4 janvier 2014

The Great Ocean Road


Adélaïde - Robe

Entre Adélaïde et Melbourne, la route longe l'océan et les villages et les petites villes réparties sur la côte sont autant de stations balnéaires et de lieux de tourisme pour les résidents des deux grandes villes assez proches. Le but du jour est de trouver un endroit un petit peu plus engageant qu'un Wilcannia bis pour passer le réveillon; mais quelque part flotte une étrange impression que c'est la mécanique plutôt que nous qui va décider de notre sort. Impression largement confirmée lorsque le bus refuse de démarrer après une halte à Meningie, immédiatement rebaptisée par notre fine équipe "Méningite", car nous sommes parqués en plein soleil, en plein après-midi, et la température grimpe aussi vite que la moutarde nous monte au nez. Cette fois nous avons beau nous acharner sur le démarreur, rien n'y fait; et ce n'est qu'après un long moment que le moteur repart finalement de lui-même.
Plus de temps à perdre si nous ne voulons pas être à nouveau au milieu de nulle part à l'heure fatidique. Nous passons par Kingston (moins exotique que le jamaïcain) et continuons jusqu'à Robe, où vu l'heure avancée nous décidons de rester pour la nuit. Cette petite ville est déjà prise d'assaut par tous les jeunes fêtards de la région, et l'ambiance est assez sympathique; finalement, le réveillon sera bien plus réussi que Noël.

Dernier coucher de Soleil de l'année...

Le lendemain matin, il pleut des cordes et la température s'est effondrée. Des conditions idéales pour se diriger vers la Great Ocean Road, réputé pour être un tronçon de route parmi les plus beau de la côte australienne... Pas de bol, le temps est annoncé maussade pour les prochains jours, mais pas le temps d'attendre le retour du soleil; nous allons directement à Mount Gambier, une grande ville au pied du mont du même nom. Cette colline est en fait un volcan inactif dont le cratère s'est rempli d'eau, formant un petit lac d'une couleur bleu cobalt assez irréelle; malheureusement, vu la luminosité ambiante, je renonce à publier les mauvaises photos prise à cet endroit (mais comme on dit, Google est votre ami).

 Robe - Port Fairy

Nous poursuivons ensuite notre route vers Port Fairy où nous passons la nuit, avant d'attaquer le lendemain la Great Ocean Road sous un ciel en légère amélioration. La côte est effectivement magnifique, et les rares rayons de soleil révèlent des eaux aux couleurs dignes des Caraïbes, et un océan continuellement déchaîné s'écrasant contre de majestueuses falaises. La grande attraction de cette route est d'ailleurs les formations rocheuses connues sous le nom de The Twelve Apostles (Les Douze Apôtres), piliers rocheux de formes diverses faisant face au littoral.

Petit échantillon des Douze Apôtres.

Étape du jour à Apollo Bay, petit village de 2000 habitants situé face à l'océan. Demain, si les Dieux de la mécanique nous le permettent, nous serons à Melbourne...

Too hot, too cold, too much wine

Bien que nous soyons en plein désert, la température par ici ne dépasse les quarante degrés que six jours par année. Et évidemment, un de ces jours tombe précisément aujourd'hui... Dès le matin, j'ai l'impression d'être pris dans le souffle d'air brûlant d'un sèche-cheveux. La climatisation à fond, il fait quarante pile à l'arrière du véhicule, où les suspensions inexistantes me font sauter comme du pop-corn alors que nous nous éloignons de Broken Hill en direction des vallées vinicoles les plus fameuses d’Australie. Bien sûr, le véhicule refuse à nouveau de redémarrer au premier arrêt à une station-service au milieu de nulle part, alors que la température extérieure doit friser les quarante-cinq degrés.

Le coup de la panne... Classique...
 
Après un long moment et pas mal d'acharnement, ce satané tas de ferraille se décide à repartir...

Même pas mal.

Le paysage alentour devient de moins en moins aride au fil des kilomètres; en un peu plus de quatre heures de route, la température à l'intérieur du bus plonge de vingt-cinq degrés, et un vent frais et persistant nous oblige même en fin de journée à enfiler une veste. J'ai rarement ressenti une telle différence de climat en parcourant une distance aussi réduite.
 
Les cultures réapparaissent.

Pour nous réhydrater après un tel choc thermique, nous passons deux jours à parcourir les vignobles de la Clare Valley et de la Barrossa Valley, en goûtant à la production locale de vin, mondialement reconnue. Les vignes ont été amenées dans les années 1840 par des colons allemands luthériens, qui ont parsemé le paysage de petites églises d'inspiration gothique et de charmants petits villages noyés dans la verdure.

Toujours le même un verre à la main...

Maisons en pierres, petits jardins ombragés à la tenue irréprochable, saucisses, choucroutes et pâtisseries dans les innombrables petits commerces, on se croirait revenus en Europe. Nous quittons ces vallées le 29 décembre, avant que nos foies déjà bien entamés ne rendent définitivement l'âme, pour descendre vers Adélaïde et ses 1,3 millions d'habitants. Choc culturel cette fois, car c'est la première fois que je mets les pieds dans une grande ville depuis mon arrivée...  Située entre la mer et les Adélaïde Hills, la ville a de la place pour s'étaler et apparemment ne s'en prive pas, avec ses larges avenues et ses grands quartiers résidentiels. Rien d'exceptionnel apparemment ici, mais calme et ordonnée, au milieu de l'été, cette cité a du charme, et vivre ici ne doit pas être désagréable.  Nous passons deux jours à profiter de la ville et de ses alentours, et le 31 nous partons pour descendre vers Melbourne. On aimerait bien trouver un endroit sympa pour réveillonner, mais avec ce véhicule, ça devient compliqué de planifier un quelconque horaire...

vendredi 3 janvier 2014

Escape from Wilcannia


Wilcannia - Broken Hill

Je flotte dans le néant d'un sommeil sans rêve procuré par les innombrables bouteilles de cidre et de bière ingurgitées quelques heures plus tôt lorsque la douce voix de Géraldine me parvient; elle me narre les événements qui se sont déroulés dix ans plus tôt (car nous sommes en 2024), lorsqu'elle a finalement réussi à s'échapper de Wilcannia en laissant derrière elle Patrice et Jeff, définitivement perdus dans les méandres alcoolisés de ce village maudit; son petit garçon (Dieu sait pourquoi prénommé Stuart) a été élevé par mon ami Gilbert (une première vague d'horreur me submerge), et pour son dixième anniversaire elle a décidé de retourner dans ce sinistre village pour retrouver les deux naufragés, premières victimes répertoriées des tentatives de journalisme Gonzo que votre serviteur a pratiqué comme un sport extrême jusqu'à l'accident fatal.

Wilcannia, au milieu de nulle part, au centre de tout...

Bref Géraldine me fait comprendre que ce sombre tableau risque de devenir la triste réalité si l'on ne se dépêche pas de partir là, maintenant, tout de suite, pendant que ces maudites stations services sont ouvertes. En pilotage automatique, je remets les affaires dans le bus pendant que Patrice, encore plus atteint que moi, tente de se réveiller en prenant une petite douche de trente minutes. A partir de là Géraldine, déterminée à quitter coûte que coûte cet endroit oublié de l'Univers, prend la direction des opérations, fonce à la station la plus proche, et le plein effectué part pied au plancher en direction de Broken Hill, au mépris des kangourous, émeus, et du reste de la  création, l'objectif étant d'accoucher loin, très loin de Wilcannia

Enfin!

A quelques heures de là, en plein désert, la petite ville minière de Broken Hill (littéralement la Colline Brisée) nous paraît, après notre Noël d'exception, être extrêmement proche du Paradis. Si les activités minières perdurent, elle a su se reconvertir en centre touristique fort prisé pour qui s'intéresse à ces zones arides, tout en conservant une architecture typique victorienne digne du Far West. C'est tranquille, propre, chaud sans être étouffant, et donc pour nous remettre de la  journée précédente (et de la nuit, qui continue de battre à mes tempes), et remercier Géraldine de nous avoir sauvés de notre processus de Wilcannisation, nous nous offrons une chambre dans l'hôtel que nous aurions dû investir le 24 si le sort ne s'était pas acharné contre nous. Climatisation, petite piscine, draps propres sur des vrais lits, le bonheur... A tel point que nous décidons de rester le lendemain aussi. 

En plein Far-west

Nous profitons des alentours, de la beauté du désert au coucher du Soleil, que même quelques grosses productions cinématographiques (comme Mad Max 2) ont choisis comme décor; mais ce n'est pas le moment de prendre racine car nous avons encore une longue route à parcourir...

 Pato, grand reporter...